Französische Version (Kritik + Interview) für Radio Grenouille 88.8/ Version française (critique et entretien) diffusée par Radio Grenouille 88.8
Travail sur la mémoire, traumatismes de guerre et réconciliation – les films du explorent les sujets pénibles des sociétés latino-américaines. Ancien exilé politique, il descend dans les ruines de l’histoire récente de son pays. Au Festival International du Documentaire le public marseillais s’est initié à l’univers du réalisateur chilien à travers son dernier film « La sombra de Don Roberto » (« L’ombre de Don Roberto »).
Juan Diego Spoerer est réalisateur et en tant que tel toujours à la recherche de bonnes histoires. Mais pour raconter l’Histoire récente de son pays, le Chili, il a ramassé plus d’une seule pierre. Il est descendu dans des ruines:
Au nord du Chili, au milieu du désert Atacama, il y a un lieu qui respire l’Histoire contemporaine de l’Amérique Latine comme peu d’autres. L’ancienne mine de salpêtre de Chacabuco a été le moteur de l’industrialisation chilienne. Une génération plus tard, au début des années 70, le général Augusto Pinochet l’a transformé en un camp de prisonniers. Et puis, encore une génération plus tard, une âme solitaire cultive la vie et la mémoire dans les ruines. Il s’agit de Roberto Zaldivar qui a vécu les trois époques de Chacabuco.
Quand, tout petit, il jouait dans la mine rècemment abandonée, il ressentait une étrange anxiété. C”est dans ce même lieu que, quelques années plus tard, les militaires tentèrent de rompre sa résistance. Il a survécu, à la différence de beaucoup d’autres, mais les cauchemars de son emprisonnement le poursuivent. Aujourd’hui il se confronte avec les fantômes du passé et les apprivoise à l’endroit de leur origine, à côté des waggonets et des tombes.
Dans son documentaire « La sombra de Don Roberto », « L’ombre de Don Roberto », Juan Diego Spoerer observe avec grande sensibilité le phénix renaître de ses cendres. Le visage de Don Roberto est vieux et ridés mais ses yeux brillent encore. Il pèse ses mots : entre deux gorgée de café ou en face des murs du camp il énonce des pensées digne d’un philosophe. Spoerer s’abstient de tout voyeurisme et ne détaille pas les souffrance de l’ex-prisonnier. Néanmoins il nous fait ressentir ce trauma: quand les barres de fer qui claquent dans le vent évoquent les chaînes des prisonniers, quand Don Roberto chasse une mouche brusquement comme un souvenir non-volu.
Quelques images d’archive de la libération du camp montrent explicitement les circonstances dans lesquelles ont vécu les prisonniers. Mais elles ne sont pas nécessaires: Le seul personnage de Don Roberto, victime aussi atypique que symbolique, aide beaucoup mieux à comprendre la réalité derrière le rideau de l’Histoire. Quand il se balade librement dans les rues ou avait pris fin sa liberté, on voit dans chaqu’un de ses pas le triomphe d’être rené un homme libre.
Spoerer capte l’ancien camp de prisonnier par des images d’une beauté surprenante, entièrement filmées au soleil couchant, quand l’ombre de Don Roberto se ralonge et sa mémoire s’éveille.
« La sombra de Don Roberto » est un film qui vit de ses contrastes : Le spectateur arrive à comprendre pourquoi dans ce camp de morts Roberto Zaldivar a retrouvé la paix. Il s’agit de bien plus que d’encore un autre film sur le fascisme chilien. C’est un récit sur la mémoire, peuplé d’ images poétiques, de solitude et de silence. Récit qui porte en lui l’espoir de réconciliation.
Le film qui a été primé dans plusieurs festivals internationaux, mais il n’est malheureusement pas encore diffusé en France. Seul le public marseillais a pu le voir à l’occasion du 19e Festival international de film documentaire. Juan Diego Spoerer était sur place et Christina Felschen a rencontré ce chasseur-cueilleurs d’histoires à la Criée.