Auberge Espagnole II – un film comme un jeu de poupées russes

entstanden im Rahmen einer Bewerbung für eine Jurymitgliedschaft

« Beaucoup de films s’achèvent à leur apogée. Mais ce qui intéresse, c’est la suite. » constate le jeune scénariste Xavier dans le nouveau film de Cédric Klapisch. Trois années après que des milliers d’étudiants d’Erasmus dans toute l’Europe se soient reconnus inéluctablement dans la colocation cosmopolite de « l’ Auberge Espagnole », le réalisateur français a convoqué les protagonistes encore une fois pour qu’ils se rencontrent cette fois à St. Petersbourg où l’anglais William se marie avec une danseuse russe.
Entre-temps l’ « Auberge » est devenu plus étendu : Les « couloirs » qui joignent les ex-colocataires mésurent des milliers de kilomètres et on ne se rend plus visite en chaussettes mais en train rapide. C’est encore une fois le parisien Xavier (Romain Durie) qui raconte la deuxième partie de « l’Auberge Espagnole » en écrivant son livre homonyme. Mais cette fois il reste dans sa propre « chambre » pendant les premières soixante minutes du film sans qu’il surmonte sa perspective étroite ni dépasse son thème favori : La recherche de la « dernière » femme dans ce jeu des « poupées russes » qui est sa vie. Trentenaire, Xavier commence à se debrouiller dans le monde du travail. Mais avec chaque boulot qu’il accepte pour payer le loyer dans une banlieue parisienne – journaliste, nègre, scénariste – il s’éloigne de son rêve d’écrire un livre. Fixé sur soi-même et dépourvu de passion réelle il se laisse user par la vie : Avec deux téléphones à la main et un voisin au seuil il est quand même solitaire, et même s’il partage son lit avec toute une série de femmes il reste toujours «célibataire».
Le film « Auberge Espagnole – Les Poupées Russes » prétend nous montrer l’évolution de Xavier, son dépassement du seuil qui donne sur le monde adulte. Pourtant, les changements du protagoniste ne sont pas motivés par conviction mais par la complaisance et l’opportunisme : S’il décide d’enfin trouver « la bonne », c’est pour la présenter à son grand-père « avant qu’il meurt » et quand il rénonce à la ‘femme fatale’ Célia pour revenir chez Wendy, c’est plutôt parce que « tout le monde [lui] demande d’arrêter de rêver ». Au spectateur qui a vu le même Romain Durie tiraillé intérieurement entre deux modèles de vie sous la direction de Jacques Ardiaud dans « De battre mon cœur s’est arrêté », l’initiation passive de Xavier n’émeut point.
La superficialité du film est encore plus ennuyeuse parce que Klapisch ne la reconnaît pas. Au contraire : À travers la perspective de Xavier, qui est forcé d’écrire des scénarios qui plaisent au grand public, le film lance des critiques de médias sans cesse – et surestime sa propre capacité d’y faire exception. Bien que Cédric Klapisch s’inspire des grands réalisateurs du jeune cinéma européen, son film reste en dessous de ses modèles et minimise leurs idées : La visualisation des fantaisies dans le quôtidien, on la connaît bien chez Jean-Pierre Jeunet : Mise à part que les deux caractères sont représentés par l’actrice Audrey Tatou, la scène dont Martine se présente tristement à son fils comme princesse dans le royaume des sept princes rappelle le moment où Amélie Poulain pleure sa mort imaginé de sécouriste et héroine de la ville. De Pedro Almodovar il emprunte entre autres ses scènes au milieu homosexuel – sans s’y plonger sérieusement : La robe de son amie, Xavier la porte comme une punition et sans humeur. Enfin le film lui montre content d’être un « hétéro pudique » à côté de son ex.
Le film « Les Poupées Russes » effleure pleins d’histoires de fond, se plonge furtivement dans les coulisses de quatre grandes villes européennes, déroule des actions parallèles et alternatives, emploie des accélérations et dissout l’image en trames géométriques ; mais tout cela ne peut pas camoufler le manque de concept et de dialogues profonds. Au contraire : Le film de Klapisch échoue justement par sa megalomanie. Ainsi le film est lui même un jeu aux « poupées russes » : Il nous presente des histoires colorées l’une emboîtée dans l’autre, qui se revèlent toutes creuses, pour nous laisser avec une essence mignonne à la fin.

Photo: Auberge Espagnol